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23 février 2010 2 23 /02 /février /2010 23:40

http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/sciences/technologies/20100221.OBS7620/nanotechnologies_le_debat_tourne_court.html
Nanotechnologies: le débat tourne court

Organisé par la commission nationale du débat public à la demande de huit ministères, le débat sur «les options en matière de développement et de régulation des nanotechnologies» s’achève mardi. Obligé de se réfugier à huis clos face à la virulence des opposants, ce débat était-il mal engagé dès le départ ?

Débat pipeau, nanos imposées !» Dès la première réunion du débat public sur les nanotechnologies qui s’est tenue à Strasbourg le 15 octobre dernier, la banderole déployée par des opposants aux nanotechnologies donne le ton. La contestation est forte et veut se faire entendre.

A Strasbourg, l’intervention est impromptue mais policée, on apporte même un micro à l’intervenant. A la réunion suivante à Toulouse, le même type d’intervention se termine par une bouteille d’ammoniac jetée au sol et la salle évacuée pendant 20 minutes. A Grenoble, en décembre, la réunion tourne court. Ouverte à 20h18, la séance est levée à 20h30. Les cris, les huées, le vacarme produit dans la salle auront eu raison des tentatives de Jean Bergougnoux, président de ce débat, de maintenir la réunion publique.

En janvier, à Orsay, la salle qui doit accueillir le public est taguée, ses serrures endommagées. Le débat devient alors «atelier», les participants à l’abri dans une salle pour pouvoir s’exprimer, le public dans une autre salle. Les dernières réunions à Nantes et Montpellier sont annulées, remplacées par un débat via internet. Idem pour la réunion de clôture du 23 février.

Contre la participation et l’acceptation

L’association Pièces et Main d’œuvre revendique le «fiasco» du débat public sur les nanotechnologies (rebaptisées "nécrotechnologies"). Mobilisée contre la construction du Minatec de Grenoble dès le début des années 2000, PMO a d’emblée considéré que c’était une «campagne d’acceptabilité», une «caravane publicitaire» pour les nanotechs. Il était hors de question pour cet atelier grenoblois «de cautionner cette mascarade» en y participant.

Pour Rose Frayssinet, spécialiste des nanotechnologies aux Amis de la Terre, «cette opposition frontale n’est pas surprenante». Après moult hésitations, son association a décidé de participer au débat pour faire entendre son point de vue –elle demande un moratoire sur les nanotechnologies- mais l’a quitté avant la fin.

«Le débat était mal posé dès le départ, analyse Rose Frayssinet. L’intitulé parlait de régulation et de développement, le problème n’était pas posé de façon globale et on était déjà dans l’acceptation. On allait à l’affrontement, l’altercation était inévitable. D’ailleurs à Toulouse, le débat auquel j’ai participé était déséquilibré, poursuit-elle, la salle était remplie de pro-nanos et les opposants avaient peu de temps pour s’exprimer.»

Des outils inadaptés?

«Nous nous attendions à du chahut, mais pas au point d’empêcher le débat, ce qui est pour nous inadmissible», confie de son côté Jean-Pierre Chaussade, membre de la Commission particulière du débat public nanotechnologies. «Il y a quand même eu neuf réunions publiques qui se sont déroulées normalement, et quatre qui ont été très difficiles. Malgré cela nous avons un résultat, le débat a fait bouger les choses, la connaissance des enjeux a avancé, les médias en parlent. C’est un vrai résultat».

C’était la première fois que la CNDP s’emparait d’un sujet aussi vaste ; jusqu’à présent les débats avaient porté sur des questions parfois très polémiques mais plus restreintes ou plus locales, comme l’EPR ou la prolongation d’une autoroute. «Les instruments du débat de proximité n’étaient pas adaptés pour un sujet aussi vaste et complexe que les nanotechnologies» analyse Alexei Grinbaum, physicien et philosophe des sciences (CEA).

«Il faut d’abord mener un travail d’éducation à la réflexion, donner aux citoyens les moyens de se détacher de l’avis de l’expert et de mener une réflexion autonome. Ce n’est qu’après cette première étape, qui passe par le système éducatif, par les médias.., que l’on peut passer au débat contradictoire».

«Il n’y a pas de débat lucide possible sans passer par l’éducation
», résume Alexei Grinbaum, qui estime que ce débat public a permis une prise de conscience plutôt qu’une vraie discussion.

Utilité sociale

La CNDP va remettre ses conclusions au gouvernement dans les semaines qui viennent. Cependant dès ce mardi, les organisateurs en dresseront un premier bilan.

Selon Jean-Pierre Chaussade, deux points importants ressortent des réunions publiques de ces derniers mois. D’abord l’évaluation de la balance bénéfice /risque : «La question qu’il faut se poser face à un sujet qui comporte autant d’incertitudes en termes de santé, d’environnement ou de technologies, c’est celle des risques par rapport à l’utilité sociale. Il faut définir des priorités et des barrières». Autre message que la CNDP devrait faire remonter : la demande de nouvelles structures de gouvernance sur les nanotechnologies au niveau local, incluant des citoyens. Reste à voir ce qu’il adviendra de tout cela dans les arbitrages gouvernementaux.

«Il ne faut surtout pas se replier, se laisser intimider par cette opposition virulente, conclut Jean-Pierre Chaussade. Il ne faut pas refermer la porte et laisser ceux qui savent décider seuls. Au contraire, je crois qu’il il faut toujours plus de débats, en améliorant la forme».

Cécile Dumas
Sciences et Avenir.fr

21/02/10
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